Attaquée par la vieille pantoufle dans ma tête
Peut-être vous savez de quoi je parle? Parfois, sans m’en rendre compte, je glisse facilement, presque avec délices, dans cette chose déformée, quasi douillette et tellement connue. Cet espace facile et lâche, presque aussi vieux que moi, ou encore plus, qui est tentant parce que quand je m’y adonne, que je m’y abandonne, je peux enfin être une victime. Une victime de l’émotion des autres, une victime de la vie, une victime des circonstances qui ne font pas mon affaire. Je peux me sentir petite et penser que ce sera la faute de quelqu’un, ou que quelqu’un me « sauvera ». Quand je ne porte pas trop attention, la pantoufle dans ma tête m’ensorcelle, elle m’appelle de son chant soudoyant, me promettant une petite victoire, un petit sirop doucereux, un moment de pouvoir si je viens mettre le pied dans son piège. Et elle cache derrière sa vieille laine de phantex quétaine sa froideur inhérente et son sentiment de vide. Ce vieux confort, cette habitude tellement ancrée en moi que je glisse dedans aussi bien que dans une vieille pantoufle, c’est aussi connu sous le nom des blessures de l’égo, et c’est ça qui garde petit, c’est ça qui promet, flashe et scintille un peu de soi-disant contrôle sur la vie, mais qui ment, qui trompe, et bien entendu, je suis seule responsable de mon choix lorsque je m’y mets le pied.
Et le résultat est que je remets en quelque sorte le pouvoir de ma vie aux circonstances, lesquelles en réalité, jamais au grand jamais, je ne pourrai contrôler. La tentation est donc de me laisser tomber dans le petit vice d’en vouloir aux autres pendant un instant.
Alors, oui, il faut sauter dans la douche froide, se ressaisir, et se souvenir que la vieille maudite pantoufle n’est pas ma seule option. Que probablement elle m’a bien servie lorsque j’étais petite et me sentais dépendante, avec raison, car je n’étais qu’une enfant. Mais qu’aujourd’hui, si je veux retrouver mon pouvoir, savourer l’ampleur que la vie me propose, vivre une joie réelle et pas seulement un petit houmf ici et là, bien il serait bon de me reconnecter avec la plus grande version de la réalité. Et comment on fait? Bien, tout simplement, se rappeler encore une sainte fois de s’ancrer dans son corps, se ramener dans les sens, ici, maintenant, respirer au centre de soi, admettre que nous sommes bien plus qu’une image, une identité, une profession, et permettre à ce qui est omniprésent et sacré, universel et magnifique, l’étincelle divine en nous, de se manifester. Permettre à la rivière de sagesse qui veut couler en nous de le faire. Ôter les blocs de son chemin, enlever les croyances qui nous gardent petit, ressentir à quel point c’est merveilleusement bon de se reconnecter avec cette présence infinie et si aimante. Puis, prendre la vieille pantoufle par le pompom, et la sacrer dans la poubelle. Et, oui, elle en ressortira probablement toute seule, comme les zombies à la fin des mauvais film, mais plus on la pitche aux vidanges, plus elle s’affaiblit, et se détricote, et finit par perdre la forme qu’on lui connaissait. Au fil du temps, cette vieille pantoufle qui me diminuait, me gardait victime et petite devient inutilisable, et à ce moment-là, je me trouve libérée, je peux être un peu plus de ma vraie personne. Je reprends mon pouvoir.